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UNE BREVE HISTOIRE DE CHERVAL EN PERIGORD

Quelle est l’histoire de Cherval, et d’abord d’où vient son nom ? Pour certains historiens du Périgord (l’Abbé Brugière), il serait d’origine celte et signifierait « belle, claire et chère vallée ». Pour d’autres, il viendrait du nom d’un Germain « Hairoward », le « H » se prononçant « ch ». Toujours est-il que des archives de 1382 mentionnent Charavart, puis Charvart en 1489, Charvard en 1560, Charval en 1760, et finalement Cherval aujourd’hui. Il est par ailleurs certain que Cherval est le fruit d’une longue histoire qu’il serait présomptueux de vouloir résumer en quelques lignes. Le texte qui suit a donc pour ambition d’indiquer en quoi les grands mouvements de l’histoire européenne et française ont pu impacter Cherval, ce petit village de Dordogne qui, pendant 482 ans (1308 à 1790), fut inclus en partie dans l’enclave angoumoise en Périgord. On peut distinguer quatre grandes époques dont les traces expliquent le Cherval d’aujourd’hui.


Du Néolithique à la fin de l’Empire Romain, Cherval est déjà habité.

Cherval fut toujours proche des grandes voies de communication allant de l’Est vers l’Ouest, et notamment de la Méditerranée orientale vers l’Atlantique, mais aussi du Nord vers le Sud. C’est en outre une terre riche en eau avec la Pude qui la traverse et les marais. On y trouve donc des traces de la présence humaine datant de la haute antiquité jusqu’à la fin de l’Empire Romain : hache en silex trouvée près des tourbières, céramiques néolithiques, gallo-romaines et médiévales déterrées à l’Etang des Faures, sites gallo-romains relevés entre Villeneuve et les marais, plaque de ceinturon ornée d’entrelacs mérovingiens trouvée au pied de l’église.


Du Haut au Bas Moyen Âge, Cherval prend forme.

La fin de l’Empire Romain au 5ème siècle après Jésus Christ marque le début du Haut Moyen Âge et de grands bouleversements. Les envahisseurs barbares fondent de nouveaux royaumes comme le Royaume d’Aquitaine, Etat franc mérovingien au 7ème siècle. Ce dernier sera intégré au Royaume des Francs qui donnera naissance à l’Empire Carolingien de Charlemagne, puis à la Francie Occidentale au 9ème siècle. A la même époque, l’Aquitaine redeviendra le Duché d’Aquitaine. Au 10ème siècle, l’Aquitaine subit de nouvelles invasions, celles des Normands venus du Nord (les Vikings) et celles des Sarrazins venues du Sud. Pour résister à ces envahisseurs, les populations locales construisent des mottes castrales ou mottes féodales surmontées de constructions défensives, la plupart du temps en bois. Il y a sur la Commune de Cherval différentes traces de ces ouvrages de défense, la plus visible aujourd’hui étant la motte de Grésignac. Par ailleurs, des sépultures datant de ce Haut Moyen Âge ont été découvertes au pied de l’église au niveau de la sacristie actuelle. Cette époque est également marquée par l’expansion du Christianisme et la création des ordres religieux qui fondent des monastères, notamment après l’an Mil. L’Ordre du Temple (les Templiers) est créé en 1 129 lors du Concile de Troyes. Il va jouer un rôle crucial au moment des croisades et devenir une puissance financière, en particulier grâce à ses commanderies. Il s’agissait de monastères disposant de grands domaines fonciers avec des privilèges fiscaux. Cherval dépendait de la Commanderie du Soulet, située à la limite de Cherval et de Goûts. L’église St Martin de Cherval construite dès la fin du 11ème siècle, fut fortifiée par les Templiers au 12ème siècle. C’est aussi à cette époque (Moyen Âge central) que se développent la Féodalité ainsi que de grandes dynasties comme celles des Capétiens et des Plantagenets. Les Capétiens donneront plusieurs rois à la France et seront à l’origine de la Maison de Valois, elle-même suivie des Bourbons. Les Plantagenets, originaires d’Anjou, deviendront rois d’Angleterre. Aliénor d’Aquitaine, apparentée à ces deux dynasties, hérite du Duché d’Aquitaine en 1130. Elle épouse en 1137 le futur roi Louis VII, descendant direct d’Hugues Capet, et deviendra Reine de France. Mais les deux époux ne s’entendent pas. Le mariage est annulé le 21 mars 1152. Huit semaines plus tard, Aliénor épouse Henri Plantagenet, comte d’Anjou et du Maine et futur roi d’Angleterre. Henri et Alienor seront couronnés Roi et Reine d’Angleterre en 1154. L’Aquitaine devenue Duché de Guyenne, et donc Cherval, passent sous le giron anglais. Cet évènement alimentera la rivalité entre les Capétiens puis les Valois et les Plantagenets ; il sera à l’origine de la Guerre de 100 ans. Cette rivalité se manifeste notamment en 1308 à la mort du Comte d’Angoulême. Philippe le Bel, roi capétien, avait le projet de réunir l’Angoumois et la Marche au domaine royal. Il les annexe en 1308. La Châtellenie de la Tour Blanche, à laquelle est rattachée une partie de la Paroisse de Cherval (l’autre restant liée au Périgord) est également annexée. Elle forme de ce fait une enclave angoumoise en Périgord dépendant du Roi de France. Dès lors, et surtout à partir de 1337 (début de la guerre de 100 ans), cette enclave va subir les attaques de bandes rivales, passant successivement des Anglais (Plantagenets) aux Français (Capétiens), et inversement. En 1360, le traité de Brétigny consacre la victoire anglaise. L’Angoumois avec l’enclave de La Tour Blanche, et donc Cherval, passent sous administration anglaise. Le Connétable Du Guesclin reprendra l’Angoumois et La Tour Blanche en 1376. Cherval fera toujours partie de l’enclave angoumoise mais sous administration française. Elle subira néanmoins la guerre de 100 ans jusqu’en 1453, date de la bataille de Castillon qui verra la défaite des Anglais et la fin de la guerre de 100 ans. Cette période qui marque la fin du Moyen Âge (Bas Moyen Âge), souffrira également de famines et d’épidémies de peste noire.


De la Renaissance à la Révolution, Cherval vit sous le règne des Lageard, une lignée de Grands Sénéchaux d’Angoumois.

Suite aux guerres, aux famines et aux épidémies, le Périgord comme l’Angoumois sont exsangues au milieu du 15ème siècle. Leurs populations ont fortement diminué, la main d’œuvre manque, de nombreuses terres ne sont plus cultivées. Mais déjà une nouvelle ère s’annonce, celle de la Renaissance. Elle va être marquée par une reprise économique et démographique, de nouvelles constructions, et par un renouveau artistique, littéraire et architectural.

C’est à cette époque qu’une grande famille va s’imposer à Cherval, celle des Lageard de Cherval. Grands sénéchaux d’Angoumois de père en fils, ils sont basés au château du Bourbet et vont régner sur la paroisse de Cherval du début du 16ème siècle à la fin du 18ème siècle, et même un peu au-delà. Encore aujourd’hui, le fronton de la mairie de Cherval affiche le blason de la famille de Lageard (de façon inversée), ce dernier étant le logo de la Commune.

Sous l’ancien régime, le Grand Sénéchal (ou Bailli dans le Nord) est un officier royal qui a pour mission d’administrer un territoire (sénéchaussée) et d’en assurer la juridiction (pouvoir judiciaire).

La puissance des Lageard s’affirme avec Hélie de Lageard. Né en 1458, il est maire d’Angoulême en 1504 puis échevin de cette ville jusqu’en 1539. Très proche de François d’Artois, Comte d’Angoulême, le futur François 1er, il facilite le mariage de ce dernier avec la fille du roi Louis XII. A sa mort en 1542, son fils Laurent, Conseiller au Parlement de Bordeaux, est nommé par François 1erGrand Sénéchal d’Angoumois, en remerciements des services rendus par son père. Laurent est inhumé dans l’église de Cherval en 1561. Ses descendants seront Grands Sénéchaux d’Angoumois de père en fils jusqu’à Pierre de Lageard, mort en 1830 (9ème génération). Ils habiteront le château du Bourbet et seront inhumés dans l’église de Cherval puis dans le cimetière actuel de la Commune où existe encore un caveau de cette grande famille. Le fils de Pierre, Aimé-Achille-Louis de Lageard, marquis de Cherval né en 1783, sera maire de Cherval de 1811 à 1831, puis de 1839 à 1842, et enfin de 1844 à 1849. Sa fille, Louise-Léonie, dernière du nom à Cherval, épousera Alain-Xavier-Edouard de Monteil dont les descendants hériteront du Bourbet. Elle s’éteindra le 17 février 1892. Il y a toujours des Lageard, notamment en Allemagne et en Italie, mais qui sont les descendants de branches cadettes.

D’autres grandes familles ont marqué Cherval de leur empreinte entre le 15ème et le 20ème siècle. Des restes de leurs fiefs sont encore visibles aujourd’hui. Le manoir de la Feuillade fut le fief des Bourdeille. Pierre de Bourdeille, dit Brantôme, homme illustre du Périgord avec des entrées à la cour de France, séjourna à la Feuillade au 16ème siècle. Le logis du Tranchard fut la demeure des Devaux du Tranchard. En 1575, François Devaux prit la tête des réformés (Protestants) pour s’emparer de Périgueux. Il y eut aussi les Saunier des Hortes au Château du Breuil. Certains d’entre eux furent gardes du corps du Roi au 18ème siècle. Les Lambert de Saint Bris étaient au manoir des Ecuyers. L’un d’entre eux fut lieutenant général des armées du Roi.

Au-delà des bienfaits de la Renaissance, ces grandes familles et la population de Cherval doivent faire face aux différents évènements et troubles qui vont assombrir les 16ème et 17ème siècle.

Il y a d’abord les guerres de religion. Le calvinisme apparait en Périgord dès 1534. De nombreux seigneurs, dont François Devaux du Tranchard, s’y convertissent. Ce n’est pas le cas des paysans et artisans. D’autres seigneurs restent fidèles au pouvoir royal qui combat les protestants. Les luttes entre seigneurs réformés et seigneurs restés fidèles au roi et à l’Eglise catholique dureront jusqu’à la fin du 17ème siècle.

Pour s’engager dans les guerres de religion, les seigneurs doivent assurer des dépenses croissantes. Afin d’y faire face, ils exigent de plus en plus de leurs paysans. Cela provoque les premières révoltes de Croquants en 1594 et 1595. La peste ravage à nouveau le Périgord de 1631 à 1634 ce qui accroît la misère des campagnes. Une nouvelle révolte de Croquants éclate en 1637. Le calme ne reviendra qu’en 1638.

Peu de temps après, en 1652 à la mort de Richelieu, le Périgord est impliqué dans la révolte de la Fronde. Cette dernière oppose une partie des nobles à la Régence et à Mazarin qui les dépossèdent de plus en plus de leurs privilèges. Les Frondeurs, conduits par le Prince de Condé proche du Parlement de Bordeaux, sont nombreux en Périgord. Ils sont combattus par les armées du Roi. Cherval est particulièrement impacté par les agissements de bandes rivales se réclamant du Roi ou des frondeurs. La surmortalité y est forte entre 1652 et 1655.

La révolte va finalement être maitrisée et le jeune Roi Louis XIV va pouvoir s’affirmer et installer un pouvoir absolu. Brillant pour la France, le siècle de Louis XIV fut sombre pour les campagnes du Périgord. Hivers très rigoureux, mauvaises récoltes, disettes, épidémies et guerres y entrainèrent une forte mortalité. Cette misère paysanne marqua tout le 18ème siècle et provoqua une montée en puissance des révoltes.

Pour y faire face, Louis XVI convoque les Etats Généraux et demande à chaque paroisse de rédiger son cahier de doléances. Ecrit en mars 1789, le cahier de doléances de la Paroisse de Cherval contient 10 pages et 17 articles ou propositions. Les Chervalais s’y plaignent notamment de la division de la Paroisse entre Angoumois et Périgord, ce qui entrainerait une double imposition. Ils se lamentent aussi du faible rendement des terres, surtout au levant, ou encore du peu de décence de l’endroit où le Seigneur (de Lageard) rend la justice. On y demande aussi la suppression des communautés religieuses, l’unité des poids et mesures, l’accès du Tiers Etat à tous les emplois de l’Etat.

La démarche engagée par le Roi n’empêche pas la Révolution avec son cortège de violences. Elle conduit à créer les départements et à supprimer l’enclave de l’Angoumois en Périgord. Cherval ne dépend plus que de la Dordogne. Les communes succèdent aux paroisses, le maire devient le responsable de la police. En 1793, Pierre de Lageard, dernier Grand Sénéchal d’Angoumois, est emprisonné pendant deux mois à Ribérac. Il est libéré sur intervention du maire de Cherval qui indique que le Citoyen Lageard a obéi à la loi et a fait de grandes preuves de civisme envers la République. Cette même année la République est menacée à l’extérieur et à l’intérieur, notamment en Vendée. Des jeunes Chervalais s’engagent pour participer aux guerres de Vendée et sauver la République.

En 1794, les signes de noblesse des châteaux sont rasés. Les tours de la Feuillade sont détruites, le château situé dans le bourg subit le même sort. Le château du Tranchard perd son donjon. Le château du Breuil est démoli. Le château du Bourbet perd ses douves, son pont levis, ses canonnières, ses tourelles, ses murailles, sa prison.

Le calme va revenir avec la prise du pouvoir par Bonaparte et l’émergence de nouveaux notables.


Du début du 19ème siècle à aujourd’hui : apogée puis déclin et renouveau de Cherval.

Le coup d’Etat de Bonaparte en novembre 1799 met fin au Directoire et instaure le Consulat. La Premier Consul veut réconcilier les Français et leur apporter la paix. Il crée la Fête de la Concorde. 

A Cherval, elle est célébrée en juin 1800. Un autel à la Patrie est érigé. Les soldats blessés ont des places d’honneur. Le travail doit cesser. Les citoyens sont invités à participer à la fête pour montrer leur attachement à la liberté et au Premier Consul. Il y a des danses et un feu de joie pour se réjouir de la Paix Continentale. L’unité est toutefois fragile. Pour preuve, l’attentat à l’Arbre de la Liberté en décembre 1800. La paix également.

L’Empire va succéder au Consulat. Napoléon 1er va entreprendre des guerres de conquête. De nombreux Chervalais périront dans ces conflits.

A la fin du 1er Empire en 1814, la royauté est restaurée avec Louis XVIII. Puis viendront de nouvelles révolutions : 1830, 1848, 1871. Elles conduiront à différents régimes politiques : la Monarchie Constitutionnelle, la 2ème République, le second Empire avec Napoléon III, et finalement la 3ème République jusqu’en juin 1940. De ces évènements naitront différents courants politiques : royalistes, républicains, bonapartistes, anarchistes, nationalistes, ultralibéraux, socialistes, communistes, radicaux. De grandes questions structureront le débat politique jusque dans les villages : l’instruction publique, la démocratie communale, la place de la religion dans la société, la conception de la défense nationale. Cette époque sera aussi celle de grands changements qui vont impacter le monde rural : la révolution industrielle, la construction de nouvelles routes, la généralisation du chemin de fer, l’évolution des cultures, l’essor de l’élevage.

C’est l’époque où Cherval va atteindre son apogée, avec une forte croissance démographique comme partout en Dordogne. En 1830, Cherval comptait près de 1500 habitants contre moins de 300 en 2021. Il faut préciser que Cherval venait de bénéficier d’un apport inattendu. Le 6 décembre 1827, à la surprise des habitants, une ordonnance royale décrète que La Chapelle-Grésignac sera réunie à Cherval. Le chef-lieu de la nouvelle commune se trouve à Cherval. Les réactions sont nombreuses. Les pour et les contre s’affrontent. Les mécontents persistent dans leur action. Le sous-préfet de Ribérac mandate le juge de paix de Verteillac pour procéder à une enquête publique qui se déroule en mai 1839. Elle montre une volonté de séparer les deux communes. Le Conseil Municipal de Cherval de juillet 1839 confirme son vœu de disjoindre Cherval et La Chapelle. Finalement, le 16 août 1841, le Roi Louis-Philippe autorise La Chapelle-Grésignac à redevenir une commune autonome. Le regroupement aura duré 14 ans.

Dans ce premier quart du 19ème siècle, des grands travaux sont engagés, notamment pour développer les voies de communication. Le Conseil Municipal de Cherval décide aussi de créer un nouveau cimetière. En 1828, par mesure de salubrité publique, le cimetière qui était au pied de l’église est clôturé et transféré à 500 m du Bourg.

L’éducation est aussi un sujet important pour les Conseillers Municipaux. Ils suivent de près le travail des instituteurs, débattent avec les communautés religieuses qui possèdent les écoles. Ils investissent aussi pour créer la mairie-école actuelle. A la fin du 19ème siècle, il y avait à Cherval une école de garçons qui comptait 50 élèves et une école de filles avec 40 élèves.

Dans le courant de ce 19ème siècle, Cherval semble bénéficier d’une certaine prospérité, même si la Commune doit toujours faire face à la misère, celle d’enfants abandonnés par exemple, et à des épidémies. En 1831, une épidémie de choléra sévit dans la région. Cherval compte 44 décès cette année-là.

 En 1835, le préfet Romieu demande à Cyprien Brard de réaliser une enquête auprès de toutes les communes de la Dordogne, ceci pour découvrir les traditions locales, agricoles, industrielles et culturelles. Le maire de l’époque, Jacques Déroulède, répond ceci : 

« L'air est salubre (on compte quarante nonagénaires et six centenaires du XVII è au début du XX è siècle).   La commune est traversée du nord au midi par la route d'Angoulême à Bordeaux. L'état des chemins vicinaux est encore mauvais malgré les travaux exécutés depuis vingt ans et grève lourdement les finances de la commune.  Il y a beaucoup de prairies naturelles. La betterave est cultivée depuis 7 ans. On laisse pourrir les fumiers. On engraisse des bœufs (provenant du Limousin) et des cochons que I’on conduit sur les marchés de Paris et Bordeaux. Les élevages comptent 100 chevaux, 30 ânes, 40 mulets, 400 bceufs, 150 vaches, 1 200 moutons, 300 cochons, aucune chèvre. On cultive du froment, du seigle, de l'avoine et du maïs, peu d'orge, pas de millet. On récolte assez pour aller le vendre dans d'autres communes. On sème le seigle en octobre pour le récolter à la fin juin ; le froment en novembre et décembre pour une récolte à la mi-juillet ; les pois, les fèves et les vesses sont semées en janvier et février ; on récolte la pomme de terre (qui est présente sur le sol chervalais depuis le début du XVIIIe) au mois d'août et le mais vers la fin de septembre. Une opinion locale veut qu'on ne laboure pas la terre quand il n’a pas assez plu. On tient que le mélange de la terre humide avec celle qui est très sèche crée une fermentation qui produit le coquelicot et les chardons. On travaille la terre avec la charrue. La tradition locale veut également que si on sème en nouvelle lune, les tiges sont plus vivaces, le fruit plus gros mais en petite quantité. A l'inverse du chanvre que l'on cultive près des rivières, le lin n’est pratiquement pas cultivé. D'une manière générale, les frais de culture sont estimés au tiers de la valeur du produit. La terre rend trois à quatre fois sa semence. Les terres sont exploitées en général par des colons ou métayers ; quelques domaines par des bordiers. En ce qui concerne la vigne, on cultive différentes qualités de raisins. On ne fait plus d'eau-de-vie dans la commune depuis 1825 ».

Le 19ème siècle, et le second Empire en particulier, est une période où l’on a foi dans l’avenir, la Municipalité de Cherval est entreprenante. Elle veut avoir sa propre foire. Ainsi, le 10 novembre 1863, le Conseil Municipal délibère en ces termes : « Considérant que la commune de Cherval est une des plus riches et des plus populeuses de l'arrondissement de Ribérac, que son sol fertile, ses vastes pâturages permettent à ses habitants de faire des élèves (élevages) de boucheries, de s'adonner à l'élève du cheval, de posséder les plus belles étables de race ovine, et qu'enfin le bourg de Cherval est placé comme centre d'une vaste et magnifique exploitation rurale, dont les produits à eux seuls, fourniraient les éléments divers d'une magnifique foire, le Conseil Municipal demande le rétablissement des anciennes foires annuelles de la commune ».

Deux ans plus tard, le Conseil Municipal décide cinq jours de foires par an, tenues les 10 des mois de février, avril, août et décembre et le lundi qui suit la Fête-Dieu. En 1866, la Chambre de Consultation d'Agriculture accorde une foire par an pour Cherval qui sera fixée au 2 décembre ; mais le Conseil Municipal demande une deuxième foire pour le 2 avril. Devant le succès que remporte cette manifestation, le Conseil municipal insiste pour obtenir la création d'une seconde foire en 1869, mais en vain. En 1874, Cherval n’a toujours qu'une seule foire annuelle qui semble être devenue, d'après le maire, « la plus importante de la contrée », la Municipalité réitère sa demande pour la création de deux foires supplémentaires une au 2 avril et l'autre au 2 décembre, demande qui restera sans suite. Le Conseil Municipal réitèrera sa demande en 1881.

C’est aussi à cette époque, en 1868, que l’église est restaurée et agrandie. La chapelle Nord est reconstruite en 1898 avec création d’un nouvel escalier pour atteindre les chambres de défense. De nouveaux travaux importants seront réalisés en 1952-1953 pour restaurer les coupoles, et en 1975 pour refaire la toiture et rénover les vitraux.

A la fin du second Empire, Cherval aborde une période plus agitée et amorce un certain déclin. La Commune doit faire face à la guerre de 1870. Deux Chervalais n’en reviendront pas. Elle doit aussi combattre le phylloxéra, arracher ses vignes, et chercher des cultures de substitution comme le tabac.

Cherval subit par ailleurs le développement de l’industrialisation qui va entrainer un exode rural croissant. Heureusement, Cherval fut toujours une terre d’accueil pour les populations venant d’autres contrées. A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, l’exode rural fut un peu compensé par l’installation de Bretons et surtout de Vendéens. Juste avant la seconde guerre mondiale, la Dordogne accueille les Alsaciens. Certains de leurs descendants vivent aujourd’hui à Cherval. Pendant et après la 2ème guerre mondiale, des natifs de Belgique et du Nord de la France s’installèrent à Cherval. Ils contribueront à la révolution agricole de la seconde moitié du 20ème siècle.

Au début du 20ème siècle, la question religieuse est posée avec de plus en plus de force. La montée de l’anti cléricalisme, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905, et le transfert de l’église et de son mobilier à la Commune, créent de fortes divisions dans la population chervalaise

Mais c’est bien-sûr la guerre de 1914-1918 qui provoque le plus grand traumatisme. Le Monument aux Morts de Cherval en témoigne.

 La seconde guerre mondiale fut aussi une grande épreuve pour Cherval avec l’occupation allemande, la collaboration de quelques-uns, la résistance d’autres, et la division de la Commune en deux parties suivant une ligne de démarcation qui fut pendant deux ans une véritable frontière. Les guerres de décolonisation toucheront aussi de nombreux enfants de Cherval.

Dans les années 1950 et suivantes, Cherval cherche à se reconstruire. L’agriculture se modernise et devient de plus en plus productive et performante ; cela accélère l’exode rural. Les paysages traditionnels se transforment suite au remembrement des terres. Cherval se dépeuple et vieillit.

Pour ceux qui restent, le niveau de vie augmente, mais une grande partie de l’habitat est abandonnée et tombe en ruine. L’automobile et la grande distribution se développent. Les petits commerces ferment les uns après les autres, à Cherval comme ailleurs.

Dans les années 1970, un mouvement de retour s’amorce. Les maisons en ruine sont reprises par de nouveaux venus notamment britanniques. Certains fils et filles de ceux qui étaient partis en ville reviennent au pays et restaurent le patrimoine familial. Mais ces maisons restaurées sont pour la plupart d’entre-elles des résidences secondaires. La population chervalaise continue de décroitre, les services publics désertent. Grâce à l’action de sa Municipalité, Cherval réussit toutefois à maintenir son école et quelques commerces. Les artisans profitent de la reconstruction de l’habitat.

Dans ce premier quart du 21ème siècle, il semble que quelques germes de renouveau soient à l’œuvre. Les moyens de transport rapides, le TGV notamment, et les nouvelles technologies de l’information et de la communication réduisent les distances. Cherval est de plus en plus proche des grands centres urbains. Son patrimoine fait peau neuve, son habitat est de mieux en mieux restauré. Une partie du monde urbain redécouvre les charmes de la campagne et décide de changer de vie. Cherval a une carte à jouer pour reprendre la maitrise de son avenir.

 

PS : pour écrire ces quelques pages, je me suis appuyé sur le travail de Sylvie Sudrie-Vidal, autrice de Cherval, son histoire au carrefour du Périgord et de l’Angoumois, ainsi que sur le très bel et très intéressant ouvrage de Gabriel Duverneuil auteur d’une Histoire de Léguillac de Cercles, et sur des documents que m’ont communiqués André et Nicole Vigne. Un grand merci à toutes et tous. J’ai aussi exploité quelques sources personnelles. Bruno Déroulède, janvier 2021.